American Elsewhere, de Robert Jackson Bennett
- Nicolas Skinner
- 28 févr.
- 4 min de lecture
2021 - thriller SF/fantastique

Quatrième de couverture
Veillée par une lune rose, Wink, au Nouveau-Mexique, est une petite ville idéale. À un détail près : elle ne figure sur aucune carte. Après deux ans d’errance, Mona Bright, ex-flic, vient d’y hériter de la maison de sa mère, qui s’est suicidée trente ans plus tôt.
Très vite, Mona s’attache au calme des rues, aux jolis petits pavillons, aux habitants qui semblent encore vivre dans l’utopique douceur des années cinquante. Pourtant, au fil de ses rencontres et de son enquête sur sa mère et les circonstances de sa mort, Mona doit se rendre à l’évidence : une menace plane sur Wink et ses étranges citoyens.
Sera-t-elle vraiment de taille à affronter les forces occultes à l’œuvre dans ce lieu hors d’Amérique ?
Mon avis
Intrigue : 3.5/5
Le récit met en scène Mona Bright, une ancienne policière endurcie, qui hérite d’une maison dans la ville de Wink, au Nouveau-Mexique, après le décès de sa mère. Wink s'apparente à une bourgade idyllique des années 1950, où tout est trop parfait pour être vrai. Très vite, Mona découvre que la ville recèle de sombres secrets : des règles implicites régissent la vie des habitants, et d’étranges phénomènes surnaturels surviennent une fois la nuit tombée.
En fouillant le passé de sa mère, Mona met au jour une vérité terrifiante : Wink n’est pas simplement une ville isolée, mais un lieu où une quelque chose a pris racine. Quelque chose d'une puissance incommensurable.
Le début du roman rappelle fortement le premier tome de la trilogie Wayward Pines, Révélations : le personnage principal se rend dans une petite bourgade américaine isolée et paisible, puis il se rend compte que quelque chose cloche, que ce soit dans l'attitude des habitants ou dans l'environnement.
Un début assez lent, au passage, et il faudra vous armer de patience le temps que l'auteur place toutes ses pièces sur l'échiquier de son intrigue.
J'ai cependant été embarqué dans ce roman, au suspense très efficace, surtout dans sa seconde partie.
J'émettrai juste un bémol concernant sa longueur : c'est un sacré pavé (plus de 900 pages en version poche), et je trouvais que l'histoire peinait à avancer par moment, mais la volonté de percer le secret de Wink m'a fait poursuivre ma lecture. Clairement, certaines histoires annexes n'apportent que peu à l'intrigue et auraient méritée d'être amputée pour lui faire gagner en efficacité.
Ceci renforce d'ailleurs la comparaison avec le maître Stephen King vanté par la couverture, expert à nous fournir des thrillers à l'intrigue bien ficelée et à l'ambiance horrifique, mais qui souffre parfois de quelques longueurs. Je classerai cependant le sieur King un cran (nettement) au-dessus.
Idées : 3/5
En terme de science-fiction, une seule idée percutante est développée, mais je ne peux en dire trop sans dévoiler le mystère du roman. Une idée intéressante mais qui aurait peut-être méritée à être creusée un peu plus.
A noter que le récit verse au final plus dans le fantastique que la SF, même s'il oscille entre les deux. J'aurais d'ailleurs préféré qu'il choisisse clairement son camp : soit qu'il rationalise les mystères de Wink jusqu'à la fin comme il avait commencé à le faire avec le laboratoire de Coburn et ses archives, soit qu'il se débarrasse de l'aspect scientifique pour plonger franchement dans le fantastique et l'horreur de manière assumée. Mais non, ici nous avons un peu le c... entre deux chaises, ce qui entravait quelque peu ma progression, à laquelle manquait des clés de lecture bien définies.
De manière plus générale, l'auteur prend un malin plaisir à déconstruire le rêve américain en brisant l'image des banlieues idéalisées des années 50 : sous une façade idyllique se cache en réalité l'horreur.
D'ailleurs, on trouve une influence très lovecraftienne dans cette horreur, qui dépasse ici l'entendement humain. Une différence notable par rapport à l'auteur du mythe de Cthulhu, cependant : dans American Elsewhere, les personnages féminins ont droit à une place plus active et nuancée.
Enfin, Robert Jackson Bennett aborde également le thème du pouvoir en questionnant la notion de libre-arbitre.
Personnages : 3.5/5
Mona Bright, la protagoniste principale, est une héroïne forte et déterminée. Elle est hantée par son passé et sa relation compliquée avec sa mère disparue. On aime la suivre dans sa découverte de Wink et percer avec elle son terrible secret.
On regrettera juste son vocabulaire grossier qui peut lasser.
Les résidents de Wink, eux, semblent tous dissimuler quelque chose, de part leur attitude étrange.
Enfin, la mère de Mona, bien qu'absente, reste un élément central du récit, d'une manière qui ne sera dévoilée que dans la dernière partie.
Style : 4/5
Robert Jackson Bennett adopte un style immersif en alternant des descriptions inquiétantes avec des dialogues percutants. Il excelle dans la création d’une atmosphère angoissante, où le banal bascule progressivement dans l’horreur.
Son écriture est visuelle et sensorielle, ce qui rend tangible le malaise grandissant de la découverte de Wink. Il sait aussi insuffler une dose d’humour noir et d’humanité à ses personnages, ce qui distingue son approche de l’horreur cosmique d'autres récits plus froids et détachés comme ceux de Lovecraft.
Par ailleurs, l'auteur prend un malin plaisir à garnir son texte d'un langage parfois fleuri, par exemple la première phrase du second chapitre, qui nous plonge directement dans l'ambiance (p. 27) : "Mona Bright n'en est pas à son premier enterrement merdique, mais elle doit bien admettre que celui-là décroche la timbale."
En bref :
Un roman palpitant, même s'il aurait gagné à être amputé d'une ou deux centaines de pages. Malgré un mélange fantastique/SF pouvant perturber, on aime se plonger dans le mystère de Wink en compagnie de Mona, porté par le style efficace de l'auteur.
NOTE GLOBALE : 3.5/5
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