2008 - Science-fiction
Quatrième de couverture réduite (sans spoiler)
En pleine Révolution Culturelle, le pouvoir chinois construit une base militaire secrète destinée à abriter un programme de recherche de potentielles civilisations extra-terrestres. Ye Wenjie, une jeune astrophysicienne en cours de “rééducation” parvient à envoyer dans l’espace lointain un message contenant des informations sur la civilisation humaine.
Mon avis
Intrigue : 3/5
ATTENTION : ne lisez pas la quatrième de couverture officielle en entier, car elle dévoile toute l'intrigue.
L'histoire commence dans les années 60, en pleine révolution culturelle chinoise. Après l'arrestation de son père qu'elle refuse de dénoncer, Ye Wenjie est envoyée dans un camp de rééducation où elle est victime de fausses accusations et de persécution. Peu après, on lui propose le choix entre l'incarcération ou l'affectation à vie sur la base confidentielle de Côte Rouge. Elle choisit la seconde option et va y découvrir un programme secret qui va changer sa vie et celle de l'humanité toute entière. Difficile d'en dire plus sans spoiler.
Très vite, l'intrigue revient dans les années 2000 et nous présente le protagoniste principal, Wang Miao. Les autorités militaires le recrutent pour l'infiltrer dans la société des frontières de la science, car une étrange vague de suicide touche les scientifiques entrés en contact avec ce groupe de réflexion.
Il découvre alors que, partout dans le monde, la recherche fondamentale fait face à un problème étonnant : le modèle standard de la physique des particules ne fonctionne plus. Autrement dit, la théorie n'est plus corrélée à la pratique lors des expériences réalisées dans les accélérateurs de particules.
Assez rapidement, Wang Miao va faire face à un phénomène étonnant : un compte à rebours se superpose à sa vue, directement sur sa rétine. Un problème qui, semble-t-il, est lié à son activité de spécialiste en nanotechnologie.
Au fil de son enquête, il va également découvrir le jeu des Trois Corps, qui se joue uniquement en ligne. L'univers de ce jeu se déroule sur une planète orbitant dans un système à trois soleils. Le principe est simple : résoudre le problème des trois corps, qui rend la vie très compliquées sur la planète et anéantit les civilisations qui se succèdent, chacune essayant de survivre dans cet environnement chaotique.
Soyons clair : s'il n'y avait pas eu les 100 dernières pages, j'aurais été franchement déçu par ce roman.
Non pas que les 400 premières pages soient mauvaises, mais elles sont, au mieux, distrayantes, et bien loin de ce qu'on est en droit d'attendre d'un prix Hugo. L'enquête de Wang Miao piétine et on s'ennuie autant que lui, qui préfère passer son temps libre à jouer au jeu des Trois Corps - et encore, il n'est que spectateur du jeu et se contente d'observer les autres personnages agir. En comparaison, si l'on considère le précédent roman prix Hugo que j'ai lu, à savoir Les Dieux eux-mêmes, j'avais été happé dans l'histoire dès les toutes premières pages.
Et puis, enfin, il y a ces 100 dernières pages, qui sont parvenues à me convaincre de la qualité indéniable de ce roman. On dirait presque une fin à la Stephen King, comme par exemple l'excellent Outsider dont le dernier tiers est si haletant qu'on n'a qu'une envie : connaitre le fin mot de l'histoire. Sauf que, contrairement au Problème à Trois Corps, le premier tiers de l'Outsider était tout aussi haletant et vous happait littéralement d'entrée de jeu.
Autre bémol notable : l'environnement de l'intrigue. Pour moi, à quelques détails près, elle aurait pu se dérouler à peu près n'importe où sur Terre, alors que je m'attendais à une immersion dans l'Empire du Milieu. Et c'est plutôt raté, en comparaison d'un M, le Bord de l'Abîme par exemple, qui m'avait littéralement transporté à Hong Kong.
Idées : 4.5/5
Je ne développerai pas l'idée principale du roman, qui est spoilée dans la quatrième de couverture de l'éditeur. Je dirais simplement que, si elle est loin d'être originale, elle est exploitée de manière rationnelle et fascinante. Je parle tout particulièrement des 100 dernières pages, véritable trésor d'inventivité SF.
Sans spoiler, ça parle entre autre de machine de Turing, de gluons, de théorie des cordes et de relativité générale. Rien que ça.
L'autre idée du roman liée à la première est celle du titre, à savoir la résolution du problème à trois corps. Une rapide recherche Wikipédia nous informe cependant que "contrairement à une idée répandue, le problème à trois corps possède une solution analytique exacte, découverte par Karl Sundman en 1909." Et ce même si "le problème est non résoluble avec une méthode algébrique, utilisé pour résoudre le problème à deux corps, car il manque des intégrales premières."
Mais, ici, ce n'est pas tant la résolution de ce problème qui est importante, mais ses répercutions sur l'intrigue, notamment à travers l'univers du jeu des Trois Corps. On y découvre la notion d'ères régulières, durant lesquelles le cycle jour / nuit est respecté, alternées avec des ères chaotiques plus ou moins longues, durant lesquelles d'interminables nuits glaciales se succèdent à des journées infernales où un soleil ardent peut occuper le tiers du ciel. Ces ères chaotiques se terminent parfois par la fin de la civilisation, qui n'aura par réussi à résoudre le problème à trois corps.
Tout l'intérêt du roman - et de ce titre - réside dans le lien entre le jeu et la réalité, qui n'est dévoilé que vers la fin du roman. C'est aussi ce qui lui apporte un souffle poétique et rafraichissant.
Personnages : 3.5/5
D'entrée de jeu, si j'ai bien un conseil concernant les personnages, c'est de mémoriser leurs nom dès le début du roman. Pourquoi ? Tout simplement car l'éditeur et le traducteur ont ici prit le parti (non communiste) de conserver les prénoms et noms chinois d'origine, et il est facile de s'emmêler les pinceaux pour un lecteur occidental.
Pour l'anecdote, j'ai travaillé et vécu deux ans en Chine et je n'avais pas eu ce problème, pour la simple et bonne raison que les chinois côtoyant des occidentaux avaient tous un second prénom occidental - et plutôt américain que français : James, Ken, Rachel, April, etc. Tout de suite, ça facilite la mémorisation.
Dans ce roman, nous suivons avant tout Wang Miao, un spécialiste des nanomatériaux. Il s'agit d'un personnage assez creux, car il s'agit là d'un "Monsieur-tout-le-monde". Ce n'est pas un reproche en soi : son rôle est de porter l'intrigue, ce qu'il fait très bien.
Nous avons également affaire à Shi Qiang, un policier. De mon point de vue, il s'agit du personnage le plus intéressant. On adore le détester, avec ses manières grossières qui masquent une grande intelligence.
Le seul personnage féminin important de l'histoire est Ye Wenjie, une astrophysicienne. Un personnage très fouillé qui porte le deuil de son père, un professeur de science aux idées réactionnaires, et qui subit les persécutions résultantes du parti communiste, ce qui la pousse dans ses retranchements idéologiques.
Enfin, nous terminerons par le biologiste antispéciste Mike Evans, qui me semble un peu sorti du chapeau de l'auteur pour faire avancer l'intrigue dans le dernier quart du roman et notamment permettre à Ye Wenjie d'aller au bout de ses idées.
Style : 3/5
Là, j'avoue que je suis mitigé...
Pourtant, l'auteur commençait très fort. Les toutes premières pages sont franchement délicieuses : on est instantanément transporté en pleine révolution culturelle chinoise. La mort horrible d'une étudiante est décrite avec tant de poésie que c'en est presque beau. Jugez par vous même : "Ce feu nourri de balles fut pour elle aussi doux qu'une ondée printanière, elle ne ressentait plus rien, ses bras se soulevaient telles des branches de lierre, comme si son corps était balayé par des gouttes de pluie, jusqu'à ce qu'enfin la moitié de sa jeune tête se détache et qu'il ne lui reste plus qu'un œil, magnifique, en train de contempler le ciel bleu de cette année 1967." (extrait de la troisième page du roman)
Malheureusement, assez vite, je trouve que l'auteur cède à la facilité et se contente du minimum syndical. Un peu comme si son effort d'écriture s'était limité au début du roman pour appâter un potentiel lecteur.
Non pas que ce soit mal écrit, entendons-nous bien, mais les verbes ternes sont utilisés à foison et les descriptions assez sommaires. L'auteur prend tout de même le soin de glisser des métaphores à un rythme régulier, mais on a presque l'impression qu'il le fait car il s'agit d'un passage forcé, tant certaines sonnent fausses et peu inspirées.
Un exemple concret, p. 423 : "Chang Weisi lui fit signe de rester, puis il cria d'une voix sonore". Ben ouais, parce que crier d'une voix inaudible c'est sûr que c'est moins percutant ; et encore, ça a le mérite d'être un joli oxymore, au moins. Plus sérieusement, un auteur débutant aurait sans doute fait mieux ici.
Globalement, je dirais que le style va à l'essentiel et a le mérite de s'effacer au profit de l'intrigue, même si quelques descriptions supplémentaires et un peu plus de poésie auraient été appréciables.
En bref :
Peut-être avais-je entendu trop de bien de ce Problème à Trois Corps. Peut-être est-ce parce que, comme beaucoup, j'ai été spoilé par la quatrième de couverture. Peut-être m'attendais-je à être de nouveau transporté dans l'Empire du Milieu le temps d'un roman. Peut-être que le sceau du prix Hugo avait décuplé mes espérances. Peut-être un peu tout cela à la fois.
Sans être une déception, je sors avec une impression mitigée de ce roman, heureusement remonté dans mon estime dans ses 100 dernières pages, qui justifient sa lecture pour tout amateur de science-fiction moderne et réaliste.
Je m'en vais de ce pas découvrir ses deux suites, que je ne manquerai pas de chroniquer.
NOTE GLOBALE : 3.5/5
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